Les leviers d'action des collectivités territoriales pour embarquer les habitants dans la transition environnementale

En 2024, l’importance de la transformation systémique de nos territoires français pour transiter vers des modèles plus durables semble de mieux en mieux intégrée au sein des collectivités locales. Le défi à relever est immense et de plus en plus de citoyens sont en attente de changements structuraux qui faciliteront leur capacité à adopter un mode de vie décarboné. Nous sommes chaque jour un peu plus nombreux à imaginer un quotidien rythmé par de nouvelles habitudes plus saines, en cohérence avec le cycle naturel et en harmonie avec les autres citoyens qui partagent notre territoire.

Pour aboutir à ces nouveaux rythmes de vie, il est indispensable que les collectivités territoriales organisent le territoire pour faciliter ces nouvelles habitudes durables attendues par les habitants. Les communes l’ont bien compris, comme on peut le lire dans l’Enquête 2024 sur les Communes Françaises et la Transition écologique réalisée par Fertilidée. Beaucoup de communes sont prêtes à activer les leviers de la transition.

Les leviers d’actions des collectivités pour la transition environnementale

Les collectivités ont un rôle majeur à jouer pour activer l’impulsion du territoire vers la transition, ce rôle se joue via des leviers variés :

  • la mobilisation collective grâce à la sensibilisation et l’éducation des habitants,
  • l’incitation par les subventions ou aides financières apportées aux acteurs du territoire,
  • l’aménagement urbain via le développement d’infrastructures durables et la préservations d’espaces naturels,
  • le développement de la collaboration et du partenariat public-privé pour renforcer et mutualiser les efforts de transformation.

Malheureusement chaque levier est freiné par plusieurs facteurs qui ralentissent la transition environnementale. L’enquête de Fertilidée illustre bien les obstacles auxquels sont confrontés les agents avec, entre autres :

  • Les freins budgétaires,
  • Le manque de ressources humaines,
  • Le manque de compétence et/ou de méthodologie pour activer les leviers,
  • La crainte de voir les citoyens résister à des mesures coercitives et impopulaires,
  • Le manque générale de sensibilisation et de formation aux réalités environnementales.

Mathieu Maréchal, fertilidée

Pourtant lorsqu’on leur donne les moyens les habitants des communes font preuve d’une belle créativité pour s’éduquer et proposer de nouvelles solutions :

  • La commune de Loos-en-Gohelle dans le Pas-de-Calais est reconnue pour sa démarche participative en matière de développement durable, collaborant étroitement avec les citoyens et les entreprises pour transformer le territoire en un modèle d'économie circulaire.
  • Ou encore la ville de Lille qui organise régulièrement des "Cafés de la Transition" où les citoyens peuvent se rencontrer, échanger des idées, et apprendre des experts sur les pratiques durables.
  • La région Occitanie propose aussi des programmes scolaires incluant des visites de parcs éoliens et de fermes biologiques pour sensibiliser les élèves aux énergies renouvelables et à l'agriculture durable.

La sensibilisation individuelle

La première étape significative pour embarquer les citoyens dans le changement du territoire, c’est de leur donner les clés de compréhension des différentes problématiques afin qu’ils puissent prendre conscience de l’ampleur de la tâche qui se présente devant nous. En octobre 2019, la convention citoyenne pour le climat avait permis à différents citoyens français tirés au sort d’avoir accès à la connaissance scientifique sur les différentes problématiques environnementales. Nous avons pu observer que lorsque les gens sont correctement informés et sensibilisés, ils sont davantage réceptifs aux mesures écologiques perçues parfois comme coercitives ou contraignantes.

Les campagnes de sensibilisation visant à informer les habitants sur l'importance de la transition écologique et sur les gestes quotidiens qui peuvent faire une différence sont essentielles pour embarquer collectivement le plus grand nombre.

Grenoble

La ville de Grenoble, élue Capitale verte européenne en 2022, a lancé divers programmes éducatifs et ateliers pour sensibiliser ses habitants aux enjeux écologiques, encourageant la réduction des déchets, le recyclage, et la mobilité durable.

La célèbre théorie du colibri imaginée par Pierre Rabhi peut sembler insuffisante pour certains, elle n’en demeure pas moins l’un des socles fondamentaux pour amorcer une transition durable.

De plus en plus d’organisations se sont emparées de cette problématiques et ont développé de nombreux ateliers visant à aider les citoyens à prendre conscience des enjeux climatiques : Fresque du Climat, ateliers 2 tonnes, fresque du numérique… Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les expertises.

Pourtant, bien que cet enjeu de sensibilisation soit de mieux en mieux accepté par les habitants, le sentiment d’impuissance, d’inquiétude voire de découragement semble chaque jour de plus en plus ancré chez ceux qui découvrent l’état alarmant de notre planète bleue. Comment alors réussir à sensibiliser le plus de monde possible sans prendre le risque de démobiliser massivement les gens trop inquiets ?

Les bonnes pratiques pour sensibiliser les citoyens individuellement

La meilleure stratégie pour faire évoluer la perception individuelle des gens consiste à jouer sur une motivation qui contourne la dimension alarmiste (légitime) portée par le discours scientifique actuel.

La gamification et les pratiques ludiques pour pousser les gens à s’informer

Toutes les techniques ludiques d’apprentissage sont intéressantes, pour pousser les gens à accepter de s’informer sur des sujets au demeurant complexes et anxiogènes. Par exemple :

  • Les challenges à l’image d’Energic qui jouent sur l’esprit de compétition en invitant les joueurs à gagner des points en réduisant leur empreinte carbone dans le but de finir premier et de gagner le challenge,
  • Climat Tic-Tac : un jeu de société familial pour sensibiliser au réchauffement climatique,
  • Ou encore la ville de Paris qui a lancé la campagne "Paris zéro déchet" avec des ateliers, des guides en ligne, et des défis pour encourager les Parisiens à réduire leur production de déchets.

Paris

L’information non culpabilisante

Suite à cette prise de conscience écologique, il est difficile de ne pas culpabiliser quant à sa part de responsabilité face au problème global. Tous nos territoires se sont développés autour des énergies fossiles et de la société de consommation. Nos modes de vie sont par défaut extrêmement carbonés et il peut être difficile pour les humains de se confronter à cette réalité culpabilisante qui nous oblige à faire face à nos dissonances cognitives :

  • La place de la viande dans notre alimentation,
  • Notre rapport au déplacement dans et en dehors du territoire,
  • Notre rapport au voyage et au tourisme,
  • Notre besoin de consommation matériel,
  • Notre dépendance au numérique,
  • Notre consommation d’eau potable,

Un discours de sensibilisation sur le climat peut vite être perçu et interprété comme une attaque à nos modes de vie et donc à nous-même directement. Cette attaque ressentie aura pour effet de nous fermer au message, nous plaçant presque automatiquement dans une posture de culpabilité.

Pour cela il est essentiel de réussir à faire passer le message de sensibilisation :

  • De façon bienveillante : “Si ton mode de vie est très carboné, ça n’est pas forcément de ta faute, mais plus la conséquence d’un système global”,
  • Sans aucun jugement de valeur : “nous avons tous nos biais et un impact carbone quelque part. Pour certain ce sera l’alimentation, pour d’autres le voyage, pour d’autres encore la consommation de vêtements ou bien la pollution numérique… il faut accepter que chacun doit avancer à son échelle en commençant par faire évoluer son mode de vie pas à pas en commençant par ce qui est plus facile pour chacun”,
  • De façon joyeuse et motivante : “changer ses habitudes pour être en harmonie avec le vivant, c’est adopter un mode de vie plus en cohérence avec notre nature humaine, c’est l’opportunité de remettre en question des habitudes de vie pour en créer de nouvelles plus vertueuses pour le corps et l’esprit. C’est également l’occasion de décider du monde dans lequel nous souhaitons vivre collectivement”.

Les nouveaux imaginaires

nouveaux imaginaires

Dans la continuité d’une sensibilisation joyeuse, nous arrivons à un moment de l’histoire où l’humain va devoir réussir l’exercice d’imaginer un avenir qui conjugue sobriété et joie de vivre. Dans ce domaine, les territoires ont un rôle déterminant à jouer :

  • Faciliter l’aménagement de l’espace publique de façon à rendre les pratiques éthiques motivantes et non contraignantes,
  • Réinventer de nouveaux usages des lieux de la ville pour les rendre écologiquement et socialement utiles,
  • Aménager les bâtiments de façon à aider les habitants à supporter les déséquilibres du climat

réorganiser les transports pour permettre à chacun de se déplacer en limitant leur empreinte carbone,

  • Créer des espaces de liens sociaux pour aider les habitants à se reconnecter ensemble et valoriser la solidarité,
  • Donner à la ville une autre fonction qu’un espace marchand où l’habitant n’a rien d’autre à faire que de consommer.

Plus les communes sauront valoriser cet avenir heureux, plus les habitants seront volontaires pour contribuer à transformer leurs villes et leurs quartiers.

Coline Jamme

La sensibilisation collective

Bien qu’essentielle, la sensibilisation à l’échelle individuelle sera insuffisante si elle n’est pas portée par un élan collectif.

“Tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin”

Les territoires doivent être moteurs de cet élan collectif. En plus de faciliter l’adoption d’une routine de vie plus éthique, ils ont vocation à créer des espaces en cohérence avec les nouvelles contraintes climatiques et facilitateurs de liens entre les habitants pour favoriser l’entraide et la solidarité.

Un bon exemple qui va de ce sens c’est Le projet Time 2 adapt porté par la métropole européenne de Lille, qui est lauréate de l’appel à projets du programme européen : Europe Urban Initiative – Urban Innovative Actions de la Commission européenne, qui vise à expérimenter de nouvelles solutions pour adapter la ville au changement climatique.

Ce projet se construit en plusieurs axes :

  • Rendre des espaces et bâtiments frais plus accessibles au public grâce à l’adaptation de leurs horaires (piscines, parcs, jardins...) ou en ouvrant des lieux à d’autres usagers (ex : cours d’écoles)
  • Transformer certains bâtis existants pour les rendre plus accessibles et permettre l’intensification de leurs usages
  • Transformer certains espaces en ilots de fraicheur
  • Proposer des installations temporaires "rafraichissantes"

Time2adapt

  • Changer les villes oui, mais pas sans les habitants

Impliquer les habitants dans la co-création de projets écologiques renforce leur engagement et leur sentiment d'appartenance locale. Les collectivités peuvent organiser des forums ouverts, des consultations publiques, et des ateliers de co-design pour développer conjointement des initiatives locales.

La ville de Bordeaux, par exemple, a lancé le "Budget Participatif" où les citoyens peuvent proposer et voter pour des projets écologiques financés par la municipalité.

En intégrant ces stratégies, les collectivités peuvent non seulement sensibiliser les habitants à l'importance de la transition écologique mais aussi les mobiliser activement dans cette démarche, créant ainsi une dynamique positive et durable au sein du territoire.

justine pineau

Fertilidée est une coopérative engagée aux côtés des entreprises et des collectivités pour des territoires résilients , rendez-vous sur leur site internet : https://www.fertilidee.fr/

Et si on en discutait ?

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